Pourquoi ce projet est-il essentiel ?
Découvrez les objectifs visés par la TVR.
Un projet essentiel
L’archipel des Petites Antilles présente une grande diversité d’écosystèmes, due à son étendue géographique, à son climat tropical et à la variété de ses reliefs et de ses littoraux. Cette région est classée parmi les 36 hot spots mondiaux de biodiversité, c’est-à-dire des hauts lieux menacés de la biodiversité mondiale et reconnus à ce titre par l’UNESCO.
Le hot spot de biodiversité des îles des Caraïbes abrite environ 11 000 espèces de plantes, dont 72% sont endémiques de la zone. Chez les vertébrés, l’herpétofaune est caractérisée par un degré d’endémisme très élevé (100% des 189 espèces d’amphibiens et 95% des 520 espèces de reptiles), sans doute en raison du faible taux de dispersion de ces espèces, à contrario des oiseaux (26% des 564 espèces) et des mammifères (74% des 69 espèces, en majorité des chauves-souris), plus mobiles. Les espèces endémiques de ce hot spot représentent ainsi 2,6% des 300 000 espèces de plantes du monde et 3,5% des 27 300 espèces de vertébrés mondiales.
Au sein du hot spot de biodiversité des îles des Caraïbes, la Guadeloupe est un territoire emblématique des Petites Antilles : sa diversité géomorphologique a permis que s'y développent quasiment tous les écosystèmes de la région. Moins déboisée que la plupart des îles voisines, la Guadeloupe présente des forêts (sèches, humides, marécageuses ou de mangrove) et un lagon qui sont les plus vastes des Petites Antilles. Avec 10 600 espèces natives (ou « indigènes »), l’archipel guadeloupéen est ainsi le premier réservoir d’espèces des Petites Antilles dont il héberge plus de la moitié des espèces de faune et de flore : 75% des plantes de cette région sont présentes en Guadeloupe (soit 1500 espèces), 69% des oiseaux (281), 50% des chauve-souris (14), 35% des reptiles et amphibiens (28) et la majeure partie des insectes.
Pourtant cette biodiversité s’érode. L’artificialisation des espaces et la fragmentation des habitats naturels liés à l’étalement urbain, ainsi que les pollutions liées à l’assainissement, à l’agriculture ou aux transports et aux déchets, impactent les sols, les rivières et les littoraux.
La croissance urbaine, importante en Guadeloupe depuis les années 1950, fragilise les espèces et leurs habitats naturels. Le réseau routier est pour sa part, le second vecteur de fragmentation des espaces naturels de l’archipel, juste après les zones urbaines et artificialisées. Ces axes à plusieurs voies de circulation dans chaque sens, forment des barrières infranchissables pour la plupart des espèces animales. Ce faisant, elles constituent des ruptures sur le tracé des corridors écologiques.
La détérioration des continuités écologiques est particulièrement importante au niveau de « l’isthme guadeloupéen », secteur terrestre étroit (3 à 4 km de largeur) enserré entre le Petit Cul-de-Sac Marin au sud et le Grand Cul-de-Sac Marin au nord, et qui relie les îles de Basse-Terre et de Grande-Terre. Le rôle écologique de cette région est essentiel pour le maintien des échanges biologiques entre les deux réservoirs de biodiversité majeurs que sont les reliefs forestiers de la Basse-Terre d’une part et le massif boisé des Grands Fonds d’autre part.
C’est sur ce secteur central que la préservation et le renforcement des continuités écologiques sont jugés prioritaires par l’Atlas TVB (trame verte et bleue) inclus dans le SRPNB (schéma régional du patrimoine naturel et de la biodiversité de Guadeloupe, 2021).
La Trame Verte Routière vise à inverser cette tendance en recréant des liens entre les zones naturelles protégées, renforçant ainsi les continuités écologiques essentielles à la préservation de la biodiversité.
Les objectifs du projet
1.Restauration des continuités écologiques
Face à la problématique de la fragmentation des espaces naturels, il est essentiel de maintenir et conforter des corridors écologiques qui assurent des connexions entre les réservoirs de biodiversité. Ces corridors écologiques peuvent être linéaires, discontinus ou paysagers. Ils comprennent les espaces naturels ou semi-naturels ainsi que les formations végétales linéaires ou ponctuelles permettant de relier les réservoirs de biodiversité, ainsi que les couvertures végétales permanentes le long des cours d'eau.
L’accompagnement végétal du réseau routier primaire peut participer à la restauration des continuités écologiques dégradées sur l’isthme central de la Guadeloupe. En tant qu’infrastructure linéaire, la route est en effet un support potentiel pour créer un trait d’union entre des réservoirs de biodiversité séparés par le développement des activités anthropiques (agriculture, urbanisme, zones d’activités, grands équipements…) et ainsi améliorer la qualité de la Trame Verte et Bleue (TVB). La nature « ordinaire » peut aider à maintenir ou recréer des liens entre les milieux naturels préservés : bien que ses qualités écologiques soient moindres, la nature ordinaire apparaît moins défavorable aux espèces que les milieux artificialisés environnants. Ainsi, elle contribue souvent à rendre plus fonctionnels les écosystèmes fragilisés.
Le principal enjeu du projet est donc de recréer des liens entre les zones boisées relictuelles de la région Centre afin de reconstituer une vaste trame arborée linéaire, en s’appuyant sur le réseau routier.
L’objectif est ainsi de transformer un vecteur de fragmentation écologique et paysagère (la route) en un support de continuités écologiques longitudinales alternatives.
Au-delà de cet enjeu opérationnel, l’objectif du projet est de participer à la préservation du patrimoine naturel de l’archipel et de lutter contre la dégradation progressive des milieux naturels qui aboutit à un appauvrissement de la biodiversité locale et régionale. Sur des secteurs où l’urbanisation a grignoté les milieux naturels, décennie après décennie, le projet de trame verte routière (TVR) a pour objectif de recréer des espaces de nature riches en biodiversité.
2.Protection de la biodiversité indigène
Avant le projet, la réalité du terrain était très loin de répondre à cet enjeu écologique. En effet, les relevés préalables (fin 2019) ont souligné la grande pauvreté botanique et paysagère des accotements routiers et des divers délaissés des échangeurs, occupés essentiellement par de simples prairies. Ce constat pouvait s’expliquer notamment par l’entretien régulier (tonte sur les échangeurs, fauchage mécanique sur les accotements) réalisé par les prestataires chargés de la propreté du réseau routier régional.
Avant la mise en œuvre du projet, les arbres étaient rares sur ces espaces et les espèces recensées étaient très communes, exotiques pour la plupart (cocotiers, manguiers, ficus ornementaux, etc.). Sur la façade sud de la RN 2 par exemple, entre Beausoleil et Destrellan, pourtant plus naturelle que la façade nord de ce tronçon, seulement 27% des 42 espèces ligneuses recensées étaient indigènes. De même, sur les différents délaissés de l’échangeur de la Jaille (Baie-Mahault), couvrant plus de 2 ha dans leur ensemble, on ne comptait que 5 espèces ligneuses différentes avant le projet, dont de nombreux cocotiers (Cocos nucifera), espèce exotique très commune en Guadeloupe. Sur l’échangeur de Providence (les Abymes), on ne dénombrait que 20 plantes ligneuses (7 arbres, 8 palmiers et 5 arbustes), de 6 espèces différentes seulement, sur plus de 21 000 m² de délaissés routiers, soit une plante ligneuse pour plus de 1000 m².
Les inventaires floristiques et faunistiques réalisés ultérieurement (2022) ont confirmé la très faible valeur écologique intrinsèque des espaces verts routiers sur les sites de projet, ainsi que leur faible contribution au maintien des continuités écologiques en bord de route. Ainsi, les espaces verts du domaine routier participaient aux ruptures de continuité écologique, pour la majorité des espèces animales, au lieu d’en atténuer les effets.
Il y avait donc tout à faire, ou presque, pour atteindre l’objectif écologique du projet. En remplaçant les grandes surfaces herbeuses du domaine routier, régulièrement tondues ou fauchées, et relativement pauvres en faune et en flore, par des plantations ligneuses diversifiées, d’allure forestière et en évolution libre contrôlée, l’enjeu du projet est de participer à la désartificialisation du territoire guadeloupéen.

3.Valorisation touristique
La route constitue un vecteur de découverte des paysages et donne aux visiteurs la première image du territoire. La route ouvre des vues remarquables sur les paysages : elle permet à la fois une découverte cinétique des paysages, par de nombreuses fenêtres paysagères « dynamiques » perçues dans le mouvement du déplacement, et une découverte statique, depuis des jalons facilement accessibles par l’intermédiaire du réseau routier où l’on peut s’arrêter.
Les nouveaux projets d’infrastructures sont considérés comme de futurs supports à de nouvelles perceptions visuelles des paysages traversés, peut-être révélateurs d’un angle de vue original ou d’une réalité paysagère méconnue à présent. Ce fut le cas par exemple pour la rocade de l’Alliance, révélant la mangrove et la Rivière Salée, ou le contournement de Capesterre Belle-Eau proposant une nouvelle vue remarquable sur le massif de la Soufrière, les chutes du Carbet et l’Allée Dumanoir. Installé derrière son pare-brise, se déplacer sur le réseau routier doit permettre de découvrir la diversité des paysages guadeloupéens afin de se forger une première image fidèle au territoire. Il s’agit d’affirmer le rôle de vitrine des paysages guadeloupéens que joue le réseau routier, en mettant en scène les fenêtres paysagères, en ouvrant les horizons paysagers, en valorisant les patrimoines visibles et facilement accessibles, en améliorant la découverte du territoire, en infléchissant certaines dynamiques d’évolution des paysages et enfin en clarifiant le premier plan de perception.
A travers la TVR, le paysage de la route s’affirme comme un support de valorisation de la richesse et de l’originalité des paysages de l’archipel.
4.Protection de la biodiversité et de notre identité paysagère
L’enjeu du projet est également de mettre en lumière l’identité paysagère régionale.
En effet, comme le souligne le plan de paysage du réseau routier régional de la Guadeloupe (2024), la route est un formidable support de perceptions visuelles en direction des paysages de l’archipel, apte à en faire découvrir la diversité et l’originalité. Mais pour cela, il faut que le paysage de la route soit en cohérence avec son paysage-hôte, et l’accompagnement végétal peut favoriser ce lien.
Le paysage routier peut être lui-même porteur de sens et révélateur de l’identité paysagère locale, à travers son socle géomorphologique, sa végétation, ou des éléments constitutifs ou empruntés au patrimoine culturel du lieu. En développant le projet de trame verte routière (TVR) qui s’appuie majoritairement sur la flore indigène de Guadeloupe, il s’agit de mettre en scène la biodiversité originelle du site afin de donner de la valeur et du sens au paysage routier.
Planter des espèces indigènes en bord de route, sur un espace fortement exposé aux regards, permet de faire connaître ces espèces au grand public, en les mettant en lumière, de façon plus lisible et plus accessible que dans les milieux naturels. De cette manière, le projet s’affirme aussi comme un moyen de lutter activement contre la standardisation des paysages.

5.Amélioration du cadre de vie
L’objectif majeur du projet est d’agir en faveur de la biodiversité, mais sans négliger pour autant les enjeux de paysage.
Les plantations réalisées le long du réseau routier et sur les échangeurs permettent ainsi d’estomper la cicatrisation écologique et paysagère des infrastructures routières avec leur environnement proche, qu’il soit rural ou urbain. L’enjeu est d’atténuer l’effet de rupture créé par la route au cœur des paysages et des milieux naturels.
En améliorant le traitement esthétique des abords routiers offert aux usagers de la route, par un cadre plus verdoyant, plus fleuri et plus ombragé, le projet agit concrètement en faveur d’une meilleure qualité du cadre de vie pour les très nombreux automobilistes qui empruntent quotidiennement le réseau routier régional, mais aussi pour les riverains qui vivent, habitent ou travaillent à proximité immédiate.
La végétation installée, grâce à son ombre, réduit l’ensoleillement et le réchauffement des sols. Elle convertit une partie de l’énergie du rayonnement solaire en vapeur d’eau rejetée dans l’atmosphère, par le biais de l’évapotranspiration, ce qui réduit le réchauffement de l’air et permet de lutter contre les îlots de chaleur urbains. Les déplacements doux et alternatifs (piétons, cycles) qui souffrent souvent du fort ensoleillement et des températures élevées, sont ainsi favorisés.
La végétation de la TVR participe aussi à améliorer la qualité de l’air respirée par les habitants en filtrant les particules fines et en absorbant une partie des oxydes d’azote (NOx) émis par le trafic routier.
Enfin, grâce à leur système racinaire, les arbres favorisent l’infiltration des eaux de pluie en profondeur dans le sol et réduisent les volumes d’eau qui ruissellent en surface. La TVR aide aussi à limiter les risques d’inondations.
6.Création d'une économie durable - Formation et insertion professionnelle
Le projet vise un objectif économique plus global en dynamisant et professionnalisant la filière des espaces verts, ce qui donne l’occasion de former des personnes éloignées de l’emploi (plus de 100 personnes en contrat d’insertion) et de créer de l'emploi.
L’enjeu est ainsi de soutenir la croissance et la structuration des entreprises locales, à la fois les pépinières (4 pépinières impliquées dans le projet) et les entreprises de travaux et d'entretien (7 entreprises pour la TVR), toutes directement concernées par le projet, mais aussi, indirectement, les acteurs de la filière bois (barrières et potelets posés au-devant des plantations), ceux de l'économie circulaire (paillage des zones plantées au moyen de copeaux de bois issus du recyclage des palettes de transport de marchandises).
De plus, le projet consiste à planter massivement des espèces indigènes qui n’étaient pas produites localement en pépinière auparavant.
Le projet a permis la création et le développement d’une nouvelle filière économique dédiée au paysage, en espérant que la démarche essaime à travers le territoire, auprès d’acteurs divers, pour que cette nouvelle filière soit pérenne.
La Région Guadeloupe entend poser le paysage comme une politique publique à part entière, concourant au développement durable de l'archipel.



Ma Trame Verte Routière de Guadeloupe est co-financée par I'Union Européenne.
L'Europe s'engage en Région Guadeloupe avec le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER).

